L’individualité humaine chez Aristote : de la constitution biologique à l’autonomie morale

L’individualité humaine chez Aristote : de la constitution biologique à l’autonomie morale

Projet post-doc de Luca TORRENTE dans le cadre du programme de recherche "AITIA/PATHOS. Passions, actions, réactions dans le monde antique : l'individu et la communauté" (IRP CNRS- IsAntiq) dirigé par Cristina VIANO (Centre Léon Robin-Sorbonne Université)

Le thème de l’individualité dans l’œuvre d’Aristote a été traditionnellement abordé à partir du problème du principium individuationis. Celui-ci s’identifie avec la recherche des principes ou causes du processus d’individuation, à savoir de ce qui fait qu’un individu d’une certaine espèce devient le spécimen individuel qu’il est. Historiquement, le débat sur le principium individuationis s’est focalisé autour de deux candidats capables de remplir le rôle de principe, la matière ou la forme, en prenant en compte plusieurs passages des œuvres de physique et métaphysique d’Aristote. 

Le premier moment du projet de recherche consiste dans la détermination la plus précise possible du concept d’individualité humaine chez Aristote. Il faut donc fournir une explication de la structure biologique propre à l’être humain, en prenant en compte davantage les qualités du corps qui affectent d’une certaine manière le caractère et l’identité personnelle d’un certain individu. Une telle enquête biologique, cependant, n’est qu’un présupposé pour l’étude globale de ce qui est proprement humain. L’individualité humaine, en effet, et en particulier son autonomie pratique et morale, ne peut nullement être expliquée seulement par des facteurs biologiques. Contre le réductionnisme biologisant et aussi contre le déterminisme moral il faudra donc montrer comment pour Aristote l’être humain détermine soi-même – de manière fondamentale – par ses activités proprement humaines.  Dans ce premier volet de la recherche, certaines questions qui touchent à l’anthropologie d’Aristote seront abordées. On cherchera en particulier à définir autant que possible la nature humaine, en soulignant le caractère essentiellement complexe et protéiforme de celle-ci, pour montrer l’éventail de possibilités de différenciation quant à l’individualité de chacun. 

Dans un deuxième moment, il sera question du processus par lequel un certain être humain cherche à se constituer comme sujet agent et personne morale autonome à l’intérieur d’une communauté donnée : on appelle un tel processus l’individualisation. Il s’agit d’un phénomène éthico-politique et culturel qui concerne spécifiquement l’être humain et qui a une valeur normative, s’inscrivant dans le plan de l’amélioration et du perfectionnement de soi de l’éthique aristotélicienne. 

Dans la dernière partie de la recherche, on prendra en compte le caractère plus proprement social de l’individualisation. Celle-ci en effet dépend fortement de la vie en commun et des relations que chaque individu entretient avec les autres. Si le but ultime de l’individualisation est le bonheur de l’individu, une telle finalité semble inatteignable sans le bonheur de la communauté dans laquelle il vit. C’est pourquoi toute dimension de développement moral de soi-même doit forcément passer par l’activité de la vie éthique et politique. Finalement, l’individu qui désire devenir soi-même doit avoir une part active dans la cité tout en suivant le processus éducatif indiqué par les gens les plus sages. Il est alors essentiel d’étudier comment on peut dire à la fois que l’individu humain est un sujet autonome qui a la possibilité de s’écarter de la communauté d’appartenance et qu’il est aussi fortement dépendent, pour son accomplissement éducatif et moral, de sa communauté.

Dans le cadre des activités du post-doc, Luca TORRENTE collabore avec Cristina VIANO à l'organisation du séminaire interdisciplinaire AITIA/PATHOS. Passions, actions, réactions : l’individu et la communauté (2024) (CNRS, Centre Léon Robin).